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La douleur, l’anxiété et les phobies pourraient-elles être soulagées par un changement d’état de conscience ?

L’hypnose, malgré son efficacité dans bien des domaines, conserve un caractère mystérieux. En dépoussiérant cette technique de ses veilles croyances, on aboutit à une méthode mieux acceptée et potentiellement plus puissante : la technique d’activation de conscience

Prenons l’exemple de la phobie de l’araignée. Je vous demande de vous allonger confortablement sur ma table de soin, puis, de fermer les yeux, tout en portant votre attention sur votre respiration « qui devient de plus en plus calme… de plus en plus profonde ». « Vous vous détendez comme si vous sombriez dans un sommeil profond ». La séance débute soit sur une relaxation de l’esprit, soit une relaxation du corps ou pourquoi pas les deux après tout ! Puis ensuite, arrive le travail hypnotique sur votre phobie des araignée. Parfois il n’est pas nécessaire d’aller chercher le trauma à la base de cette peur, il suffit simplement de traiter cette peur. Le but est de vous placer dans un espace de sécurité en présence de cet animal et vous sentir à nouveau très confortable en sa présence. Et pour finir vous pourrez m’entendre vous dire  » Vous pourrez oublier cette séance ou vous souvenir de certains éléments, ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est de penser à remercier votre inconscient bienveillant qui vient de travailler pendant que vous profitiez de votre agréable souvenir pour vous permettre d’atteindre ce but. Maintenant prenez une forte respiration et ouvrez les yeux pour revenir ici bien doucement et transformée. »

Une technique qui fait peur

La scène se passe en 2019, lors du congrès national d’Hypnose et de thérapies brèves à Clermont-Ferrand. Il s’agit d’une démonstration de la principale forme d’hypnose pratiquée aujourd’hui, dite « Ericksonienne ». Cette référence à un « inconscient bienveillant », sorte d’auxiliaire qui apporte des solutions à nos problèmes et qu’il faut remercier en fin de séance, n’est pas sans évoquer, certes d’une façon plus laïque, la notion de dieu qui guérit, tout droit sortie des profondeurs de l’histoire.

De fait, l’hypnose, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, comprend un certain nombre d’éléments ésotériques, introduits il y a près d’un siècle et qui ne correspondent plus à la compréhension actuelle du fonctionnement de l’esprit et du cerveau. C’est ce qui a conduit de nombreux scientifiques, en particulier aux États-Unis, à s’en désintéresser. En outre, le mot est devenu un peu effrayant : de nombreux clients refusent cette technique, car ils ont l’image, tout droit sortie du music-hall, d’un hypnotiseur qui les dominerait et les manipulerait…

Depuis le début des années 2000, un travail de réflexion et de recherches, inspiré notamment par des échanges et des collaborations avec plusieurs neuroscientifiques éminents, comme les professeurs au Collège de France Alain Berthoz, Jean-Pierre Changeux et Stanislas Dehaene. « Cela a conduits à proposer une nouvelle version de l’hypnose, plus en accord avec les découvertes des neurosciences – une “neurohypnose”, en quelque sorte. Elle a été dénommée “Techniques d’activation de conscience”, ou TAC » . L’acte de naissance officiel date de 2015, année où a été fondé le Collège international de techniques d’activation de conscience (Citac), qui vise à développer et promouvoir cette technique, ainsi qu’à soutenir les recherches sur son efficacité.

Un espace de liberté

Si les techniques d’activation de conscience (TAC) sont une forme particulière d’hypnose, pourquoi avoir changé de nom ? D’abord, cette nouvelle dénomination souligne que le client entre dans une forme particulière de conscience – la transe –, qui n’est ni de la rêverie ni la focalisation de l’attention sur une tâche extérieure ; on la reconnaît à une série de signes cliniques (comme des mouvements particuliers des yeux ou des contractions musculaires involontaires) et à l’activation d’un réseau cérébral précis . Surtout, le terme d’« activation » permet de déconstruire un mythe : l’hypnose n’est pas un état passif, où l’on subit l’emprise d’un thérapeute, mais au contraire un état particulièrement dynamique et actif.

Cela peut sembler paradoxal : une des bases de cette technique – et donc des TAC – veut que le client soit temporairement sensible aux suggestions du thérapeute. En 2019, le chercheur québécois Pierre Rainville, fin spécialiste des neurosciences de l’hypnose, a d’ailleurs montré que lors de la transe, le fonctionnement et les connexions mutuelles de plusieurs zones cérébrales associées à l’agentivité (le sentiment d’être responsable de ses mouvements et de ses actes) sont perturbés ; c’est le cas du cortex cingulaire antérieur et du précunéus, deux régions situées sur la face médiane des hémisphères cérébraux. Ce qui peut par moments donner au client le sentiment que ses mouvements sont contrôlés de l’extérieur.

Mais, paradoxalement, les témoignages des personnes hypnotisées révèlent qu’elles ont eu l’impression d’accéder à un espace de liberté, tout en jouissant d’un profond sentiment de contrôle. « Il y a un moment où je ne vous écoutais plus et où je suis allé me promener dans mon souvenir », disent-elles par exemple. C’est un peu comme si le thérapeute leur ouvrait une porte et qu’elles allaient ensuite librement explorer ce qu’elles voulaient. La transe est ainsi une expérience fondamentalement dynamique, avec sans doute des fluctuations de l’agentivité. Encore une fois, nous sommes loin d’un état passif et dominé. Si le thérapeute prononce une phrase immorale ou qui choque le client, celui-ci en sort d’ailleurs immédiatement. Contrairement aux mythes, dans l’histoire de l’hypnose, on ne répertorie aucun exemple de plaintes judiciaires déposées par une personne contrainte de commettre tel ou tel crime alors qu’elle était en transe.